Coup de coeur

Le dernier des siens / Sibylle Grimbert
Un thème original, documenté, éperdument romanesque.
Gus est un jeune scientifique mandaté par le museum d’histoires naturelles pour étudier la faune islandaise. Le roman s’ouvre sur le massacre d’une des dernières colonie de « grands pingouins » par une bande de marins sanguinaires. Gus porte sur cette scène un regard détaché, on est en 1873, « manger et être mangé voilà le lot de tout être vivant ». Mais ce regard va évoluer au contact direct d’un des spécimens de cette colonie, l’unique rescapé que Gus a embarqué pensant pouvoir l’envoyer, mort ou vif, au museum et s’assurer ainsi un nom dans sa carrière.
Cependant la noblesse de l’animal, sa personnalité vont bientôt avoir raison du flegme scientifique. De grandes questions, d’ordre éthique vont s’immiscer dans l’esprit cartésien de Gus : la vie émotionnelle de l’animal, la valeur accordée par les hommes à la vie sauvage, la domestication et l’identité des espèces, la prédation, l’intelligence de l’animal et sa singularité… et puis l’intégrité du scientifique, à quoi est-il prêt pour faire carrière, ou mène l’ambition… ( aujourd’hui on le sait, près de 70% des animaux sauvages ont disparu en 50 ans, d'après le WWF ).
Pure est la rencontre entre ces deux êtres tombés en solitude. Tragique le destin de cet homme, lucide avant tous les autres et assumant la responsabilité de celui qu’il a prénommé Prosp : individu appartenant à la noble espèce des « grands pingouins » et à jamais, le dernier des siens.